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Chers
amis,
C’est
en défense de la Révolution française qu’en janvier et février de 1790 que
se sont tenues successivement à Pontivy, l’assemblée des Jeunes Volontaires
puis l’assemblée des Délégués des Municipalités de Bretagne et d’Anjou. Elles
sont ainsi constitué, ce que l’histoire a retenu sous le nom de Fédération
Bretonne-Angevine, dont le présent monument érigé en 1894 commémore le
souvenir.
En 1790, les municipalités dans la RévolutionAu
nom de notre association j’utiliserai bien l’adresse à l’assemblée des Délégués
faite par le maire de Pontivy Bourdonnay. Voici
ce que dit Bourdonnay, --vous savez que le square où nous sommes actuellement
porte son nom-- au nom de la municipalité de Pontivy, en s’adressant à
l’assemblée. “La
municipalité de Pontivy sent tout le prix de la position et de l’honneur que
vous lui avez fait en l’invitant à prendre place dans votre assemblée. Les
races futures sauront que vous êtes accourus de tous les coins de la Bretagne
et de l’Anjou, pour rompre par une glorieuse coalition le dernier anneau
d’une chaîne pesante qu ‘on masquait sous le titre trompeur de privilège”. L’initiative
de cette assemblée, ici en 1790, rompait comme on le voit avec le passé. Elle
s’inscrivait dans le vaste soulèvement de la Grande Révolution française
qui allait ouvrir à notre pays et au monde entier une ère nouvelle. Le
bureau provisoire de notre Association Républicaine m’a fait l’honneur de
me confier les fonctions de Président, mandat que j’assumerai aux côtés des
autres membres du bureau jusqu’à son renouvellement tel que prévu dans nos
statuts. Je
vous remercie à mon tour d’être “accourus de tous les coins de la
Bretagne et de l‘Anjou” pour reprendre l’expression de Bourdonnay et
de manifester ainsi par votre présence votre attachement à la fraternité,
l’égalité et la liberté et aux généreuses résolutions adoptées en 1790
et gravées dans la pierre de ce magnifique monument.
La FraternitéOn peut se demander ce que représentait cette assemblée il y a 212 ans ? Je lis les paroles de Joseph Audic, procureur de la commune de Neulliac. “Il
nous est impossible, nous gens de campagne, d’exprimer la joie, le plaisir et
l’amitié que nous avons, et les remerciements que nous devons à nos frères
députés et venus ici des villes de cette province et de celle de l’Anjou. Je
peux dire que c’est un don de l’être suprême, pour nous délivrer de l’état
d’esclavage dont nous gémissons et nos ancêtres, depuis plusieurs siècles,
par la tyrannie des seigneurs, surtout ceux de l‘usement de Rohan. Non pas même
le dernier laquais à peine daignait nous parler. Je vois avec plaisir, mes frères,
que toute l’assemblée nous fait l’honneur de nous appeler leurs frères,
ainsi nous resterons à jamais tous réunis “. Quel
cri d’espoir d’un paysan devant les réformes envisagées et dans lesquelles
ont pressent les prémisses de là République qui seule pouvait mener à son
terme les aspirations des masses paysannes! Pour
qui en douterait, on peut citer cette autre déclaration: «
... Après avoir usurpé presque tout nos droits, nous faisions de viles corvées
comme les plus vils de tous les hommes,(...) et à présent je vois avec
beaucoup de plaisir et d’amitié que nous avons l’honneur de nous appeler
tous frères, ainsi nous resterons à jamais unis par le lien de fraternité,
comme étant tous frères et tous enfants d’un même père. Ainsi messieurs,
nous vous remercions de la peine que vous vous donnez, surtout, M le Président
M le Vice Président et MM de l’assemblée”. Voyez
ce lien de “fraternité” qui s’exprimait dans cette assemblée. C’était,
nul n’en doute, dans ces termes simples et émouvants que se manifestait le
sentiment d’appartenance à la Nation française. Le
fait est d’autant plus notable que l’affirmation de cette appartenance à la
Nation se réalisait dans la plupart des régions de France, toutes elles aussi
engagées dans le processus initié depuis quelques mois à l’échelle du pays
par la réunion des Etats généraux au mois de mai 1789 et les événements qui
se sont par la suite précipités, et dans lesquels les députés bretons,
initiateurs du Club des Jacobins, ont joué un rôle de premier plan. Les
paysans, encore soumis dans notre province à un état voisin du servage, accédaient
ainsi au rang de citoyens. Et ce n’est donc que justice que le monument de la
Fédération de Pontivy porte gravé pour les générations à venir les
premiers articles des droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits... »
L'ÉgalitéÉvoquant
ici même, l’an dernier, les menaces de remise en cause de cette incomparable
avancée de civilisation, je disais que “la
reconnaissance du régionalisme ethnique dans les institutions françaises est
une rupture avec la notion de citoyenneté sur laquelle repose la constitution.
L’apport fondamental de la révolution française et des lumières avait été
de fonder la nation sur la citoyenneté. Pour la première fois le fondement de
l’état était défini par un lien civique, et non l’appartenance à une
ethnie ou à une religion”. Je le répète devant
vous aujourd’hui. Chers
amis, lorsque l’an dernier nous nous sommes réunis ici, une pétition nous a
été remise dénonçant cette commémoration comme fanatique, un fanatisme républicain
contre la culture bretonne. En lisant les procès verbaux des séances tenues en
février 1790 nous remarquerons que c’était au contraire, une grande
fraternité, la solidarité et l’amour de la justice qui animaient les assemblées
de Pontivy. C’est ce qu’exprime le pacte fédératif adopté alors et qui
est gravé sur ce monument, et que vous pourrez à loisir lire en vous rappelant
qu’il date de 1790. C’est le serment fait par les représentants des
Municipalités de Bretagne et d’Anjou et dont la copie conforme à la minute a
été déposée à la municipalité de Pontivy. Les deux assemblées de janvier et de février 1790 et les valeurs soutenues par leurs participants participaient du fondement et de la consolidation de la Nation et préfiguraient la République: Elles
n’étaient pas oppressives, c’était une aspiration profonde à l’égalité
et à la justice..
La LibertéRappelons
la déclaration de DE LAUNAY député de l’Anjou sur la suppression de la
gabelle, cet impôt sur le sel. Je ne vais pas vous lire ici cette motion complète,
mais seulement quelques lignes. "Mais
Messieurs, comme tous les français sont frères, venons au secours de ceux qui
gémissent sous le joug de la gabelle, et pour qui elle n ‘est pas encore
supprimée.... Nos demandes seront accueillies: l’impôt doit être égal pour
tous, comme le mode de sa perception. Il n’entre ni dans les conceptions, ni
dans la puissance d’aucun corps législatif de déroger à ce principe. Assez
longtemps, messieurs, les pays de gabelle ont été accablés par un régime
oppresseur. Assez longtemps notre commerce a été enchaîné par des droits de
traites si multipliés dans l’intérieur du royaume, assez longtemps il a
existé des lignes de démarcations entre les citoyens d’un même empire et
les cantons qu’ils habitent : ne souffrons pas que des barrières et des
colonnes fiscales nous séparent, quand, pour nous unir et nous porter des
secours mutuels, nous ne calculons ni les distances ni les dangers”. Un
cri d’égalité et de “Liberté” qui se retrouve encore dans ces mots: “Quel
spectacle flatteur pour les habitants de Pontivy, de voir encore une fois leur
cité réunir dans son sein les généreux défenseurs et les plus fermes appuis
de cette précieuse liberté, dont le nom fut à peine connu pendant des siècles
entiers d’esclavage et de barbarie Je
ne peux vous citer tous le discours de Mr Ruinet Dutailly père, avocat et député
de Pontivy, mais simplement quelques leçons qu’il tirait de cette situation: «
. . . c’est donc principalement sur les municipalités, c’est sur vous,
Messieurs, qui en remplissez les honorables fonctions, que la patrie jette dans
ce moment ses regards et fonde ses espérances. Pourrions nous les tromper ?
Pourrions nous nous résoudre à reprendre les chaînes avilissantes dont le
poids n’a pu être diminué par la longue habitude de les porter”.
La
défense de la République
Chers
amis, La
connaissance exacte des circonstances qui ont amené la tenue à Pontivy des
assemblées des Jeunes Volontaires en janvier, puis, en février de 1790, de
l’assemblée des Délégués des Municipalités de Bretagne et d’Anjou pour
constituer ce qu’on appelle depuis la Fédération Bretonne-Angevine, cette
connaissance des faits et des résolutions dont je viens de vous rapporter
quelques aspects, permet de comprendre les enjeux actuels. Le
monument érigé en 1894 en commémoration de la Fédération Bretonne-Angevine
entendait perpétuer le souvenir de cet événement capital pour la Bretagne et
le reste du pays qu’à été la Révolution française. Les
menaces qui pesaient sur la République en 1894 avaient motivé ce retour aux
sources des Républicains d’alors, et dressé cette colonne de la Fédération
contre les nostalgiques de l’Ancien Régime. En 1938 les autonomistes dynamitaient
l’allégorie en bronze symbole de paix et de liberté qui était fixée sur le
fût. On sait dans quelles dérives ces autonomistes ont fini pendant les années
noires de Vichy et de l’occupation nazie. Aujourd’hui
les vieux démons renaissent dans un environnement différent, encouragés en
haut lieu par des directives européennes ou gouvernementales. Notre
démarche de raviver le souvenir de la Fédération Bretonne-Angevine de 1790,
dans le droit fil des républicains du siècle dernier, s’inscrit dans la
continuité de l’œuvre inachevée de ceux qui proclamaient vouloir faire
passer dans les faits les principes fondamentaux de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen et, selon leur inoubliable propos « Vivre
libres ou mourir ». Chers amis, l’Association Républicaine du Monument de la Fédération Bretonne-Angevine s’assigne la double tâche de faire restaurer le Monument. et de défendre et promouvoir la République. C’est un bon programme. Liberté, Égalité, Fraternité! Il nous faut maintenant l’énergie et la volonté d’être à la hauteur de nos engagements. Vive la République, une indivisible et laïque. |
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