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1790-1894-1938
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Fédération humaine
Chronologie

 

Les Bretons, artisans résolus de la Révolution française.

Car enfin, pour en revenir aux événements de 1790, il faut faire litière de cette entreprise révisionniste qui tend à faire accroire que, pendant cette période révolutionnaire, les Bretons ne firent que subir une Révolution française, qu'on leur aurait imposée, en quelque sorte, par la force et de l'extérieur.

 — Notons d'abord que les Bretons furent parmi les premiers à se lancer dans le processus révolutionnaire, qui devait aboutir, à la chute de l'Ancien Régime, à une monarchie constitutionnelle d'abord en 1791, et très rapidement, à la proclamation de la République en 1792.

Ce processus, qui avait pris forme, notamment, dans les affrontements sanglants de Rennes, le 28 janvier 1789, était la réplique de mouvements similaires dans d'autres secteurs du pays, comme dans le Dauphiné où, dès juillet 1788, l'Assemblée de Vizille avait réclamé la convocation des Etats Généraux.

Ce qui fait dire, à l'historien briochin Georges Minois, dans sa «Nouvelle histoire de la Bretagne», que ces affrontements entre classes antagonistes, entre aristocratie d'un côté, patriotes du Tiers état de l'autre, sont

         «la meilleure preuve de l'assimilation de la Bretagne au Royaume», parce que, souligne-t-il, les « affrontements qui sont les mêmes que partout ailleurs».

Les Bretons se lancèrent donc dans la Révolution, au mépris et souvent en combattant les privilèges de la province, privilèges baptisés «libertés» ou «franchises» qui servaient essentiellement de couverture au régime spécifique que connaissaient les paysans et les non-nobles dans notre province.

Arthur Young, voyageur et «politologue» anglais a noté, lors de son voyage en France en 1788, que :

         «Nulle part, la distinction entre noblesse et roturiers n'est plus tranchée, plus offensante, plus abominable qu'en Bretagne».

 

— Les premiers, les Bretons furent aussi les plus résolus parmi les députés aux Etats Généraux.

Ils créèrent le Club breton à Versailles, qui prit le nom de Club des Jacobins lorsque les femmes de Paris, le 5 octobre 1789 allèrent chercher, comme on l'a plaisamment retenu, le «Boulanger, la Boulangère et le petit Mitron» pour ramener Roi et Assemblée à Paris.

Les premiers des Jacobins furent le Breton Le Chapelier, co-rédacteur du Serment du jeu de Paume, le Breton Lanjuinais rédacteur de la Constitution civile du Clergé qui notifiait entre autres la confiscation-nationalisation des biens de l'Église.

C'est le Breton de Landivisiau, Le Guen de Kerangall, qui eut une intervention déterminante dans l'abolition des privilèges particuliers et territoriaux (c'est-à-dire des provinces), lors de la séance de la nuit du 4 août 1789, qui était, elle-même, présidée par le Breton Le Chapelier !

Ils méritèrent donc, nos députés bretons, le surnom de «Grenadiers des Etats Généraux» que leur décerna le journal «Le Héraut de la Nation.», et dont le titre est en soi tout un programme.

Ou encore, celui non moins glorieux d' «aînés de la Révolution», que reprend à son compte l'historien Michelet.

 

Les privilèges de la province de Bretagne.

Il a été dit que ces privilèges, appelés encore «franchises», (le mot renvoie aux zones franches d'aujourd'hui) servaient à maintenir un régime féodal, que les cahiers de doléances dénonçaient, comme particulièrement révoltant.

En effet ces privilèges, constitutifs de ce qu'on appelle la «Constitution bretonne», hérités de l'Édit d'alliance de 1532 entre le Duché de Bretagne et le Royaume de France, disposaient que la province, comme certaines autres, conserve une Assemblée des Etats avec des pouvoirs en matière fiscale, ainsi qu'un Parlement à la fois cour de justice et dotée de pouvoirs administratifs.

C'est pour cette raison, que Noblesse et Clergé bretons, refusèrent d'envoyer des députés aux Etats Généraux de Versailles, refusant par avance toute atteinte à la «Constitution bretonne.»

En effet, Parlement et Etats de Bretagne, étaient totalement dominés par la Noblesse. Ainsi, pour nous en tenir à ce seul exemple, les Etats provinciaux de Bretagne comptaient 665 représentants de la Noblesse et 30 du Haut Clergé, contre seulement 50 représentants du Tiers état, qui représentait pourtant, à lui seul, plus de 95% de la population, pour reprendre les appréciations de l'abbé Sieyès, qui fut d'ailleurs un temps en poste à Tréguier.

La publication de tous les cahiers de doléances de la Bretagne a permis d'établir, de manière irréfutable que le nombre de ceux qui réclamaient le maintien des franchises de la province est une minorité : moins de 15 %. Qui pourrait s'en étonner ?

Ce qui a permis au Breton Le Chapelier, ne disposant certes pas des données statistiques d'aujourd'hui, mais cependant d'une perception adéquate de la réalité, d'annihiler à jamais — du moins aurait-on pu le croire — toute tentative de restaurer les franchises bretonnes supprimées le 4 août 1789 :

         «Où donc est la nation bretonne ?  lance-t-il aux aristocrates. 

         Dans mille cinq cent gentilshommes et quelques ecclésiastiques, ou dans deux millions d'hommes ? (...)

         Ce sont des magistrats nobles qui défendent des nobles pour opprimer le peuple. Voilà ce qu'ils appellent nos franchises et leurs devoirs».

Bref, contre les privilèges d'un autre âge, Le Chapelier dressait les principes élémentaires de la démocratie.

C'est donc cet arrière-plan qu'il faut avoir à l'esprit, pour comprendre la Fédération de Pontivy.

 

Un puissant mouvement fédératif dans toute la France.

D'abord il faut savoir que les manifestations fédératives, les fédérations, ont déjà vu le jour ici et là.

Le 21 juillet 1788, l'Assemblée de Vizille en Dauphiné (autre province spécifique, analogue pour une large part à la Bretagne) se prononce pour l'abandon des «privilèges» provinciaux et pour un «pacte d'union nationale».

L'idée de Nation avait cours dans les milieux éclairés, depuis, notamment, les écrits des philosophes des Lumières.

Ajoutons par ailleurs que les particularismes des provinces, les règlements, les douanes, les péages intérieurs, les poids et mesures différents, le chevauchement inextricable des circonscriptions fiscales, judiciaires, militaires, les corporations de métiers, héritées de la féodalité, constituaient autant de freins à l'activité manufacturière et marchande et que la constitution d'un marché, sans toutes ces entraves, étendu à tout le territoire, était une nécessité qui cadrait aussi avec l'aspiration à l'union nationale.

Pour nous en tenir à la Bretagne, les émeutes qui opposent la Noblesse et les patriotes bretons à Rennes le 28 janvier 1789, voient se constituer un mouvement de solidarité de plusieurs villes de Bretagne, et même hors de Bretagne, comme Angers et même Poitiers.

Dans la région du Cap Sizun, dans le Trégor, des délégations de paroisses et de villes prennent l'habitude de se réunir et se concerter pour défendre les premières conquêtes de la Révolution, tout comme les municipalités des villes se dotent de gardes nationales.

Le 13 septembre 1789 se tient à Montélimar une réunion de volontaires du Dauphiné, du Vivarais, de la Provence et du Languedoc, réunion que relèvera d'ailleurs la Fédération de Pontivy de janvier 1790 dans une adresse qui saluera leur démarche en vue d'accélérer, comme souligné, «le grand oeuvre de l'unité nationale».

Le 29 novembre 1789 une fédération se constitua aussi à Valence ; en février 1790 une autre à Dôle, une autre à Lyon le 30 mai, et en juin à Lille et à Strasbourg. Il s'agissait ainsi de former , ainsi qu'il a été écrit :

« comme un chaîne de communes libres et révolutionnaires de la même province, de la même région.(....).»

Venons-en à la Fédération de Pontivy.

En fait, Pontivy va être le siège de deux fédérations.

 

La première Fédération du 15 janvier 1790 , dite «Fédération bretonne-angevine des jeunes volontaires».

Comme elle est constituée de jeunes, délégués le plus souvent par les gardes nationales. Elle est, pour cette raison, encore dite «Fédération militaire».

On sait que le serment est prêté sur «l'autel de la Patrie, en présence du Dieu des armées» qui, notons-le, renvoie à la mythologie antique, à cette république romaine dont les révolutionnaires s'inspirèrent souvent.

C'est la prestation du serment qui est figurée sur le bas relief en bronze. On y a représenté le jeune Morlaisien Moreau, qui était déjà à la tête des étudiants en droit de Rennes en janvier 89. On sait qu'il servira dans les armées de la Révolution comme général.

Voici l'essentiel de ce serment des Jeunes volontaires :

         «Nous, jeunes citoyens français, habitant les vastes pays de la Bretagne et de l'Anjou, extraordinairement réunis par nos représentants à Pontivy pour y resserrer les liens de l'amitié fraternelle que nous nous sommes mutuellement vouée, avons formé et exécuté au même instant le projet d'une confédération sacrée, qui sera tout à la fois l'expression des sentiments qui nous animent et des motifs qui nous rapprochent malgré les distances.

(...)

Nous jurons donc, par l'honneur, sur l'autel de la Patrie, en présence du Dieu des armées, amour au Père des Français ; nous jurons de rester à jamais unis par les liens de la plus étroite fraternité ; nous jurons de combattre les ennemis de la Révolution ; de maintenir les Droits de l'Homme et du Citoyen, de soutenir la nouvelle Constitution du Royaume et de prendre, au premier signal de danger, pour cri de ralliement de nos phalanges armées :

                          Vivre libres ou mourir !».

 

La seconde Fédération, dite «Fédération bretonne-angevine des municipalités»

est du 15 février 1790. ( Elle est parfois dite «Fédération civile».

Elle rassemble, un mois après la Fédération des jeunes volontaires, 168 députés représentant 128 municipalités, placés, significativement, sous la présidence du Nantais Lefebvre de la Chauvinière et la vice-présidence de Delaunay aîné d'Angers.

Le fait que des Nantais et des Angevins soient ici présents aujourd'hui doit être compris comme une fidélité aux principes qui présidèrent aux décisions de la Fédération de 1790.

Cette assemblée prolonge celle de janvier, reprend les mêmes thèmes de la défense des Droits de l'Homme et du Citoyen, mais plus que le serment des jeunes volontaires, le Pacte d'Union qui est adopté, insiste davantage sur le caractère national de l'événement.

 Les députés de ces municipalités bretonnes et angevines, adoptent le 21 février 1790 le «Pacte d'union» ainsi gravé sur le monument :

         «Nous, Français, citoyens de la Bretagne et de l'Anjou, assemblés en congrès patriotique à Pontivy, arrêtons d'être unis par les liens indissolubles d'une sainte fraternité, de défendre jusqu'à notre dernier soupir la Constitution de l'Etat et les Décrets de l'Assemblée Nationale.

         Nous déclarons solennellement que n'étant ni Bretons ni Angevins, mais Français et Citoyens du même empire, nous renonçons à tous nos privilèges locaux et particuliers.

         Nous déclarons qu'heureux et fiers d'être libres, nous ne souffrirons jamais que l'on attente à nos Droits d'Hommes et de Citoyens, et que nous opposerons aux ennemis de la Chose publique, toute l'énergie qu'inspirent le sentiment d'une longue oppression et la confiance d'une grande force.»

 

Ils accèdent en quelque sorte à l'universalité du statut de Citoyen, en corrélation avec la Déclaration des Droits de l'Homme qui est du 26 août 1789, débarrassé de tout communautarisme géographique, régionaliste, linguistique, religieux ou autre.

Et pour confirmer cette avancée remarquable de la conscience collective de ces délégués, le Pacte d'union martèle donc, pour qui en douterait encore aujourd'hui, à plus de deux cents ans de distance :

         «...N'étant ni Bretons ni Angevins, mais Français et Citoyens d'un même empire ( d'un même pays )......nous renonçons à tous nos privilèges locaux et particuliers».

Quel démenti, à tous ceux qui prétendent qu'il n'en fut pas ainsi !

 

Pontivy à l'unisson.

Dire que les contemporains de ces délégués bretons et angevins, réunis dans cette ville du centre Bretagne, furent à l'unisson de ce mouvement, est tout à fait conforme à la vérité..

On en trouve le témoignage, tant dans le salut de l'Abbé Darlot :

         «Agréez notre adhésion entière et sans borne à vos décisions dictées par la sagesse et l'intérêt commun...»

 que dans le discours du représentant de la Municipalité pontivienne, tous deux partiellement reproduits dans la pierre du monument. 

Déjà, accueillant les jeunes volontaires le 15 Janvier, Bourdonnaye , au nom de la Municipalité, — ce présent square porte en souvenir son nom — esquissait un prolongement à l'action en cours : 

         «...le nouvel ordre des choses n'exigerait-il pas qu'au lieu de vous borner, dans les circonstances, à renouveler le pacte d'union, ( ... )vous l'étudiiez et le rendiez commun à toutes les villes du royaume, notamment à la capitale, à qui tout bon Français a de si grandes obligations».

Cette aspiration, ainsi exprimée, d'un pacte national, d'une fédération nationale, avec et à l'initiative de la capitale, dans laquelle Bourdonnaye place une confiance légitimée par les faits les plus récents, balaie comme on le voit, cette fausse idée selon laquelle la province n'était pas en phase avec les événements parisiens.

Et Bourdonnaye de poursuivre :

         «L'abolition de toute distinction d'ordres et l'abandon de tous privilèges tant de provinces que de particuliers, ne présentent qu'un seul et même intérêt à toutes les différentes parties de l'empire français. Continuez donc , messieurs, à y travailler de concert et de toutes vos forces et ne négligez rien de tout ce qui est propre à accélérer ce grand oeuvre».

A dessein de garder témoignage, c'est donc fort opportunément, que les Républicains de Pontivy, ont fait graver sur la pierre du monument, ces paroles de leur maire de 1790 :

         «Les races futures (comprendre : les générations) sauront que vous êtes accourus de tous les coins de la Bretagne et de l'Anjou, pour rompre par une glorieuse coalition le dernier anneau de la chaîne pesante qu'on masquait sous le nom trompeur de privilèges».

Pouvait-on mieux dire ?

 

De la Fédération de Pontivy à la Fédération nationale.

Jaurès a analysé le mouvement fédératif en gestation sur l'ensemble du pays :

         «Comment tous les tourbillons régionaux, se touchant en quelque sorte par leur bord, ne se seraient-ils pas fondus et élargis en un vaste tourbillon national ?»

Les Fédérés de Pontivy envoyèrent en effet, et à cet effet, une délégation à l'Assemblée nationale qui fut accueillie avec de chaleureux vivats.

Et Bailly, le maire de Paris, celui qui avait déjà lu le Serment du jeu de Paume immortalisé par David, aux côtés de Le Chapelier, on s'en souvient, put déclarer sous les applaudissement de ses collègues, dans cette Assemblée Nationale devenue Assemblée Constituante :

         «Nous ne sommes plus ni Bretons ni Angevins, ont dit nos frères de la Bretagne et de l'Anjou ; comme eux nous disons : nous ne sommes plus Parisiens, nous sommes Français. Vous avez juré à Pontivy, d'être unis par les liens indissolubles d'une sainte fraternité (...)

         Faisons, il est temps, faisons de toutes ces fédérations particulières une confédération générale. (...)

         C'est le 14 juillet que nous avons conquis la liberté ; ce sera le 14 juillet que nous jurerons de la conserver...»

 

C'est ainsi que fut décidée, en grande partie comme on l'a vu, pour faire suite à l'esprit qui avait présidé aux deux fédérations de Pontivy, la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, qui scella, définitivement, l'unité de la Nation qui devint elle-même, quelque temps après, le fondement de l'indivisibilité de la République.

C'est en effet sous les clameurs de «Vive la Nation» que les jeunes volontaires nationaux mirent en déroute, à Valmy en Champagne, les armées de l'Europe monarcho-cléricale, coalisée contre la propagation de la Révolution aux peuples asservis du continent, et que ce même jour, le 20 septembre 1792, la République, qui en est l'expression achevée, fut instituée.  

 
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