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Les événements de 1790 dont Pontivy va être le théâtre en Janvier et Février, doivent se comprendre dans le contexte des débuts de la Révolution en France.Il s’agit d’un vaste mouvement de contestation qui secoue l’ensemble de la société, et ceci sur tout le territoire. Contrairement à ce qui est souvent avancé par ceux qui se situent aujourd’hui sur le terrain de l’autonomie ou du séparatisme de la Bretagne, notre région a joué un rôle déterminant dans cette révolution. Alors qu’on prétend ici et là que la Bretagne avait
un statut privilégié en France : il faut faire litière de cette
affirmation. Les privilèges de la Bretagne depuis l’unification de 1532 étaient les privilèges des seuls privilégiés, c’est-à-dire de la noblesse et du haut clergé. La situation des masses paysannes en particulier était des plus misérables. En témoigne, entre multiples preuves, l’appui résolu apporté par les paysans bretons à la Révolution. Ainsi, pour en rester à Pontivy, les procès-verbaux des séances font état de ce qu’était la situation soit-disant privilégiée dans les campagnes. Dans le procès-verbal de la séance du 27 février 1790 de l’assemblée des Municipalités à Pontivy qui analyse les raisons du soulèvement en cours des campagnes on lit que « …l’excessive dureté du régime féodal
était la cause de ces excès, que les laboureurs bretons gémissaient
sous le joug d’un servage inconnu aux autres citoyens du Royaume, que l’extrême
oppression avait produit l’extrême désespoir, et que le sentiment profond de
leur misère les avait armés ». Parlant au nom de « nous, gens des campagnes »,
le délégué de Neuillac dans les environs immédiats de Pontivy stigmatise « l’état
d’esclavage dont nous gémissons et nos ancêtres depuis des siècles, par la
tyrannie des seigneurs… ». Et signe de l’exaspération paysanne et aussi de la confiance dans la Révolution engagée, il ne craint pas de dénoncer, ici même, à l’ombre des murailles qui abritèrent le gibet de son château seigneurial, les pratiques de « l’usement de Rohan », expression qui renvoie à la multiplicité et à la diversité des règlements, baux et fermages qui caractérisaient l’Ancien Régime, et que précisément la Révolution se fixait pour but d’abolir, pour que les lois – comme les poids et mesures -- soient les mêmes pour tous, sur tout le territoire. On ne sera donc pas étonné du clivage profond que la Bretagne va connaître pendant cette période révolutionnaire. D’un côté il y a les
adversaires de la Révolution. La Noblesse et le Clergé, attachés qu’ils
sont aux privilèges de la Bretagne : réunis à St-Brieuc en avril
1789 ils refusent d’envoyer des députés aux Etats Généraux de
Versailles. Pour la raison qu’ils redoutent que les privilèges de leur
province, c’est–à-dire, encore une fois, leurs propres privilèges,
soient balayés. De l’autre les députés du Tiers Etat, qui au contraire,
vont être les artisans les plus engagés des transformations sociales et
politiques. Ce sont les députés bretons qui vont être à l’origine du
Club des jacobins qui rassemblera les artisans les plus résolus du processus révolutionnaire. Il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui, et notamment en Bretagne, les adversaires des acquis de la Révolution française n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer les Jacobins et le jacobinisme. Derrière cette dénonciation, n’en doutons pas, il y a l’hostilité profonde aux valeurs héritées de cette période. Rappelons donc à ces soit-disant spécialistes de l’histoire bretonne que dans la célèbre nuit du 4 août 1789, où l’Assemblée nationale vote l’abolition des privilèges, c’est le Rennais Le Chapelier qui préside la séance, et qui répond vertement à ceux qui prétendent maintenir les privilèges bretons. Il avait auparavant co-rédigé le célèbre serment du Jeu de Paume, dont le peintre David a immortalisé la séance de lecture dans un superbe tableau sur lequel on reconnaît, les mains jointes en signe d’assentiment, le Breton Gérard. C’est le Breton Le Guen de Kérangal, député de Landivisiau, qui emporte par son intervention l’adhésion des plus hésitants. C’est aussi le Breton Lanjuinais qui rédige la Constitution civile du Clergé, engageant entre autres la nationalisation des biens de l’Église, qui sera dénoncée par le Pape et les dignitaires de l’Église alimentant notamment les soulèvement vendéens et chouans. En effet, la Révolution n’a pas d’emblée partie gagnée. Bien au contraire. L’abolition des privilèges, la constitution civile du Clergé nourrissent une contestation qui va se traduire par la fuite à l’étranger de ce qu’on appelle les émigrés, qui entretiennent l’espoir de rétablir leurs privilèges avec le concours des puissances étrangères qui redoutent aussi la propagation de la révolution dans leurs pays respectifs. C’est donc par volonté
de résistance à ces menaces que les partisans de la Révolution et de ses
premières conquêtes vont se concerter, se réunir, s’unir, se coaliser, se
fédérer. Les fédérations qui se forment dans diverses régions de France, en Dauphiné, à Montélimar, à Lille… sont ainsi dictées par la volonté de résistance au retour à l’ancien état des choses.
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