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Ainsi se constitue la Fédération de Pontivy
en janvier et février 1790.
En
fait, Pontivy va être le siège de deux fédérations. La première du 15 janvier
1790 , est dite «Fédération bretonne-angevine des jeunes volontaires». Comme
elle est constituée de jeunes, délégués le plus souvent par les gardes
nationales mises en place spontanément pour défendre, y compris par les armes,
les premières conquêtes de la Révolution, elle est, pour cette raison, encore
dite «Fédération militaire». C'est
la prestation du serment qui est figurée sur le bas relief en bronze du
Monument. On y a représenté le jeune Morlaisien Moreau, qui était déjà à
la tête des étudiants en droit de Rennes en janvier 89. On sait qu'il servira
dans les armées de la Révolution comme général. Voici
l'essentiel de ce serment des Jeunes volontaires :
«Nous,
jeunes citoyens français, habitant les vastes pays de la Bretagne et de
l'Anjou, extraordinairement réunis par nos représentants à Pontivy pour y
resserrer les liens de l'amitié fraternelle que nous nous sommes mutuellement
vouée, avons formé et exécuté au même instant le projet d'une confédération
sacrée, qui sera tout à la fois l'expression des sentiments qui nous animent
et des motifs qui nous rapprochent malgré les distances. (...)
nous jurons de combattre les ennemis de la Révolution ; de maintenir les
Droits de l'Homme et du Citoyen, de soutenir la nouvelle Constitution du Royaume
et de prendre, au premier signal de danger, pour cri de ralliement de nos
phalanges armées :
Vivre libres ou mourir !». Que sont donc ces liens qui nous « rapprochent malgré les distances » sinon l’affirmation d’appartenance à la même nation. Il s’agit bien de la nation française, qui s’est historiquement constituée progressivement au cours des siècles précédents, mais qui se trouve extraordinairement renforcée par les événements en cours. En fait la constitution de la nation allait de pair avec la fin de la féodalité fondée sur des entités de provinces et de « pays » auxquels la jeune Révolution allait substituer les départements et les communes, dont on sait que leur remise en cause est aujourd’hui d’actualité. On relève aussi l’engagement de « combattre les ennemis de la Révolution » :
cela renvoie à la guerre civile que les adversaires de la révolution ont déclenchée
avec les concours étrangers déjà évoqués. Le serment est aussi proclamé de « maintenir les Droits de l’Homme et du Citoyen » :
qu’est-ce que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sinon la
reconnaissance des droits
individuels identiques pour tous ? Le Monument érigé en 1894 en
rappelle les premiers articles dûment gravés dans la pierre, sous la forme des
tables de la loi, forme symboliquement sacralisée parce que d’une portée
exceptionnellement universelle. Les individus naissent dorénavant libres et égaux
en droit. Ces individus sont des Citoyens, jouissant des droits de la cité. Les
citoyens cessent d’être des sujets,
les paysans cessent d’être des vilains,
des manants
ou
autres croquants soumis
comme le rappelle ce paysan de Neuillac à tel ou tel usement,
c’est-à-dire
à tel ou tel enfermement communautaire à fondement économique, géographique,
généalogique, ou religieux. On comprend donc que le
communautarisme contemporain à base religieuse, linguistique ou ethnique soit
l’adversaire résolu de cette conquête magistrale de l’humanité dont la Révolution
française a été un moment privilégié de sa conscience collective. Qui donc peut trouver à redire de cette exemplaire abnégation ? La seconde, dite ). Cette assemblée prolonge
celle de janvier, reprend les mêmes thèmes de la défense des Droits de
l'Homme et du Citoyen et des premières réformes. Mais plus nettement encore
que le serment des jeunes volontaires, le Pacte d'Union qui est adopté, est
une proclamation de l’unité nationale que le processus révolutionnaire accélère
et disons, parachève : «… Nous
déclarons solennellement que n'étant ni Bretons ni Angevins, mais Français et
Citoyens du même empire, nous renonçons à tous nos privilèges locaux et
particuliers. Nous déclarons qu'heureux et fiers d'être libres, nous ne souffrirons jamais que l'on attente à nos Droits d'Hommes et de Citoyens, et que nous opposerons aux ennemis de la Chose publique, toute l'énergie qu'inspirent le sentiment d'une longue oppression et la confiance d'une grande force.» Est-il besoin de commenter ? Accueillant
les jeunes volontaires le 15 Janvier, Bourdonnaye , au nom de la Municipalité,
martèle sur le thème majeur de cette révolution commençante :
«L'abolition
de toute distinction d'ordres et l'abandon de tous privilèges tant de provinces
que de particuliers, ne présentent qu'un seul et même intérêt à toutes les
différentes parties de l'empire français. On
est loin, avec Bourdonnaye, de toute préoccupation régionaliste. Il y a au
contraire dans ses propos une aspiration à l’universel qui est la caractéristique
de la Révolution française.
«Les
races futures (comprendre : les générations) sauront que vous êtes accourus
de tous les coins de la Bretagne et de l'Anjou, pour rompre par une glorieuse
coalition le dernier anneau de la chaîne pesante qu'on masquait sous le nom
trompeur de privilèges». « Le
nom trompeur de privilèges… ! » C’est
Bourdonnaye qui en 1790 répond prémonitoirement à ceux qui aujourd’hui, en
ce XXIème siècle,
traficotent misérablement les faits, entretenant dans une production
littéraire et journalistique largement subventionnée, cette contre-vérité
que la Bretagne avait un statut privilégié. Et pire, que ses représentants
aient eu un quelconque désir de le conserver !
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